Stockage de l’électricité : une nécessité

La disponibilité réduite des centrales nucléaires faisait craindre qu’en cas d’épisode hivernal marqué, la production d’électricité soit insuffisante pour couvrir une demande forte.

Jusqu’à présent, l’hiver s’est bien déroulé, avec l’aide certes, de températures clémentes réduisant proportionnellement les besoins de chauffage, et des vents relativement soutenus, permettant une production d’énergie éolienne supérieure à ce qui est généralement attendu dans les mois d’hiver.

Sauf surprise, ou évènement inattendu, le court terme est donc sous contrôle.

 

Il est intéressant de constater que la France est même redevenue exportatrice d’électricité à la fin de l’année 2022 et au cours des premiers jours de 2023, alors que la production d’électricité d’origine nucléaire était inferieure aux niveaux généralement observés en période hivernale. Si la disponibilité des centrales nucléaires avait été en ligne avec son niveau historique, soit plus de 50 GW de puissance, il y aurait eu un tel surplus que les capacités d’exportation auraient été saturées, et qu’il aurait donc fallu réduire la production d’électricité desdites centrales

 

C’est d’ailleurs ce qui est arrivé le 1er janvier dernier : alors que la puissance disponible était de 43 MW, les réacteurs nucléaires ont été obligés de réduire fortement leur production, avec une puissance moyenne effective inferieure à 30 GW jusqu’en fin d’après-midi, et ne dépassant pas 33 GW par la suite. Il y avait trop d’électricité du fait d’une production éolienne élevée et personne n’en voulait : le prix sur le marché a même été négatif.

Au niveau économique, cette situation est quand même très particulière puisque cela amène à réduire la production au cout le plus faible – celui des centrales nucléaires est inférieur à l’ARENH, soit 42 €/MWh – afin de permettre à l’électricité d’origine solaire et éolienne – dont le prix garanti est plutôt dans une fourchette de 100 à 200 €/MWh, voire parfois plus – d’être distribuée de manière prioritaire

 

Cette situation de surplus d’énergie électrique ponctuelle n’est pas nouvelle, et ira même en augmentant avec le développement des énergies renouvelables, qui sont intermittentes par nature : il peut y avoir surplus d’électricité lors de belles journées ensoleillées et ventées, tout comme, inversement, il peut y avoir un fort déficit lors de nuits sans vent.

 

La solution à cette variabilité importante : le stockage de l’électricité.

 

Il est important de développer des capacités de stockage pour l’électricité. Elles existent pour le gaz, le pétrole, le charbon. Et l’électricité alors ?

 

Contrairement à ce qui est généralement mentionné, la solution technique de stockage existe : les STEP : Station de Transfert d’Energie par Pompage. En pratique deux barrages situés à des niveaux différents permettant le pompage de l’eau – pour remonter l’eau du bassin le plus bas vers le bassin le plus élevé – et son turbinage – du niveau le plus haut vers le niveau le plus bas – pour produire de l’électricité. Le cycle pompage turbinage peut être reproduit de nombreuses fois.

Le rendement d’une STEP est de l’ordre de 80% (l’énergie récupérée par turbinage de l’eau représente environ 80% de l’énergie qu’il a fallu fournir pour la pomper et la faire remonter dans le lac le plus haut)

 

 

Ce n’est pas de la théorie, puisqu’il existe déjà en France 6 STEP pour une puissance installée de 5 GW. La plus importante étant celle de Grand Maison, en Isère, avec une puissance installée de 1 800 MW et une durée d’utilisation maximale en mode turbinage de l’ordre de 20 heures. A noter qu’il faut ensuite 30 heures pour remonter le volume d’eau préalablement turbinée

 

Idéalement, il faudrait de nouvelles STEP, représentant une dizaine de GW en plus, avec une couverture de consommation d’au moins une dizaine d’heures en mode turbinage

 

Les autres solutions de stockage de l’électricité ne sont pas compétitives :

A ce stade l’hydrogène n’est pas une solution pour le stockage car le rendement du cycle électricité / électrolyse de l’eau / hydrogène / pile à combustible / électricité est de l’ordre de 30%, donc très inferieur au 80% des STEP

 

Et les batteries, même si elles ont un rendement proche de 100%, ne sont pas une solution pour le stockage de grande envergure, du fait de la quantité de métal nécessaire, ce qui élimine d’office cette solution pour des puissances importantes.

 

Le frein au développement des STEP aujourd’hui est plus règlementaire que physique : des projets précis pour l’implantation de nouvelles STEP existent, mais leur développement est pour le moment à l’arrêt comme conséquence de la règlementation actuelle sur la concession des barrages, qui crée une incertitude sur le futur et enlève donc toute visibilité aux projets.

 

L’emprise au sol des STEP n’est pas gigantesque : dans le cas de Grand Maison le lac supérieur représente 219 ha et le lac inferieur 75 ha. Soit une surface totale d’environ 300 ha pour une puissance de 1800 MW. A titre indicatif, une centrale solaire au sol de même puissance nécessiterait pratiquement 5 fois plus de surface, et aurait une production intermittente, contrairement à une STEP qui est parfaitement pilotable

 

Leur financement peut être assuré d’une part partiellement par la différence de prix existante entre le KWh produit par turbinage et celui dépensé pour le pompage, et d’autre part en réallouant une partie du montant qui aurait été nécessaire pour augmenter la capacité de production d’électricité en l’absence de STEP

 

 

Un plan stockage de l’électricité, basé sur la création de STEP est le complément indispensable des plans de relance du nucléaire et celui des énergies renouvelables. Il permettra une gestion efficace de l’électricité alors que la production de celle-ci sera de plus en plus soumise aux aléas de l’intermittence.

Nous l’attendons.

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