Le prix de l’électricté

Le prix de l’électricité a connu au cours des derniers mois des fluctuations d’ampleur jusqu’alors inconnue, en particulier sur le marché des échanges import/export au niveau européen, qui est un bon indicateur de l’état de tension qui peut exister.

 

Ces fluctuations sont la résultante de trois facteurs :

  • le cout de production, globalement en hausse,
  • la disponibilité des sources de production, globalement en baisse,
  • des conditions saisonnières, qui bien qu’assez clémentes cette année, se soldent néanmoins par un surcroit de demande pendant les mois d’hiver.

 

Le cout de production du nucléaire, de l’hydraulique – en tout cas celui au fil de l’eau – l’éolien et le solaire ont des couts prévisibles et ne variant finalement que peu, car ne dépendant pratiquement pas de facteur extérieurs : l’uranium ne représente qu’un très faible pourcentage dans le prix de revient du KWH nucléaire, et jusqu’à présent, l’eau, le soleil et le vent sont gratuits

Par contre, le cout de l’électricité produite à partir hydrocarbures est fortement corrélé à celui de ces hydrocarbures, qui représentent une partie importante dans le prix de revient du KWH. Avec un triplement du prix du gaz en quelques mois, et un cours du pétrole proche de 100 dollars le baril, le prix de l’électricité produite à partir d’hydrocarbures a plus que doublé sur un an. Ce qui aurait pu entrainer une hausse du prix de l’électricité facturée aux particuliers de 44,5% en février dernier sans les différentes mesures mises en place.

 

La mise à l’arrêt de nombreuses centrales nucléaires, pour des raisons de retard liés au Covid et de maintenance pour maintenir le niveau de sécurité approprié, a réduit la part du nucléaire dans le mix énergétique et diminué la puissance globale disponible, ce qui a obligé la France à faire appel régulièrement aux importations pour couvrir les besoins en électricité.

Situation nouvelle car EDF était plutôt historiquement un exportateur d’électricité.

Et ces importations ont un prix d’autant plus élevé que l’offre sur le marché européen a été limitée et la demande forte

 

Ce qui a été le cas les jours de faible vent et de durée d’ensoleillement limité, comme en janvier dernier spécifiquement, et de manière générale, au cours du premier trimestre.

 

Quelques chiffres :

Certains jours, le recours net aux importations a atteint ponctuellement à 11 GW de puissance, soit proche de 13% de la demande nécessaire pour couvrir la consommation française.

Le prix à payer par MWH s’est globalement installé dans une fourchette entre 200 et 300 € HT par MWH, avec des pics à plus de 400 € HT par MWH. Et un point exceptionnellement haut le 4 Avril 2022, à près de 3000 €/ MWH. Pour mémoire, le prix de vente de l’électricité nucléaire historique vendue par EDF aux autres distributeurs d’électricité (ARENH) s’élevait à 42 €/ MWH et vient d’être augmenté à 46,2 € / MWH. Le prix sur le marché import / export est donc entre 5 et 7 fois plus élevé que ce prix ARENH, avec des pics à 10 fois plus élevés

 

Quelques graphiques illustratifs :

 

15 Janvier  2022                                                       

L’éolien et le photovoltaïque contribuent de manière significative, la consommation n’est pas très élevée, l’importation est cependant nécessaire, avec un niveau de prix certes tendu, mais pas au plus haut

 

25 Janvier 2022                                                         

              Niveau de consommation élevée. Faible éolien et photovoltaïque : le fioul et le charbon contribuent, mais l’importation est nécessaire et les prix atteignent 400 € / MWH

 

4 Avril 20                                                                        

Pas de solaire et très faible éolien en début de matinée, avec un niveau de consommation élevé. Le niveau d’importation atteint ponctuellement 11 GW. Le prix du KWH flambe et s’approche des 3000 € / KWH

 

20 Avril 2022                                                                

Retour à une situation moins tendue en terme de puissance appelée. L’éolien et le photovoltaïque contribuent un peu en dessous de la norme saisonnière. Les prix restent élevés, mais sans pics démesurés. Il est même possible d’exporter et de faire du pompage turbinage dans les périodes les moins tendues

 

 

Avec l’approche des beaux jours, la situation pourrait se retourner rapidement : longue durée d’ensoleillement et vent présent à l’appel, associé à une consommation faible, génèrerait un surplus d’électricité, dont personne ne voudrait, d’où un prix de marché international fortement à la baisse, qui pourrait même devenir négatif.

Alors. Qui oserait prédire aujourd’hui que le 5 juin 2022 – dimanche de Pentecôte, le prix de l’électricité sera négatif en milieu de journée ?

 

Finalement, comment faire en sorte que le prix de l’électricité soit le plus stable possible ?

  • D’abord, réduire la consommation. Plus la consommation globale sera faible, plus les amplitudes entre les points hauts et les points bas seront faibles. Et c’est vertueux au niveau de la planète, et bon pour le porte-monnaie du consommateur.
  • Ensuite, lisser la demande pour réduire la taille des pics de consommation : à ce titre, les messages d’EDF pour demander aux consommateurs de réduire leur consommation de manière ponctuelle, comme le 4 avril dernier, vont tout à fait dans cette direction.
  • Enfin stocker encore plus l’électricité pendant les périodes de faible consommation pour l’utiliser pendant les périodes de forte consommation

Sur ce dernier point, le message souvent entendu est que l’électricité n’est pas stockable. Eh bien, ce n’est pas exact, même pour des puissances qui s’expriment en GW.

Bien sûr, que l’on ne parle pas de batteries pour de telles puissances ! Si de manière ponctuelle, des batteries peuvent être installées pour des petites puissances, cela ne peut pas être une solution d’envergure : la quantité de Lithium serait extravagante et l’impact de son extraction sur l’environnement serait énorme. Sans parler de la faible acceptation sociétale de cette extraction. Et remplacer la dépendance aux hydrocarbures par une dépendance au lithium, non renouvelable, serait cocasse.

L’hydrogène fabriqué à partir d’électrolyse et utilisé ensuite dans une pile à combustible n’est pas non plus une bonne solution de stockage, à cause du rendement limité de ce cycle – aujourd’hui de 35 à 40%.

La seule vraie solution, pour un pays comme la France, est le stockage par pompage turbinage de l’eau entre deux barrages situés à des altitudes différentes. Soit, dans le jargon des spécialistes, par le biais de Stations de Transfert d’Énergie par Pompage – les STEP. Le rendement est de 75 à 80 %. Et avec ses nombreuses montagnes, la France dispose d’un potentiel de plusieurs GW. Potentiel qu’il faut concrétiser sans plus tarder. Ne pas le faire serait une grave erreur, surtout que ce mode de stockage, une fois en place, ne nécessite ni hydrocarbures, ni lithium : seulement de l’eau, qui de déplace entre deux barrages.

 

Ainsi, pour réduire les dérapages sur le prix de l’électricité dans le futur, la construction de stations de pompage turbinage de l’eau – les STEP – est le complément indispensable à un mix énergétique bien dimensionné. Les réflexions ont beaucoup avancé sur le mix énergétique. Espérons qu’elles avancent de manière aussi favorable avec un plan de création de STEP dans un pays où les montagnes de manquent pas !

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