Avec le développement des énergies renouvelables, dont l’une des caractéristiques est d’être intermittente, se pose de manière aiguë le problème du stockage de l’énergie électrique.
Des solutions diverses, parfois hasardeuses, souvent théoriques, avec peu de possibilité de réalisation pratique sont proposées, sans convaincre.
Il existe pourtant une manière de stocker l’énergie électrique, qui a fait ses preuves, et dont la France est dotée d’un potentiel certain : le stockage de l’eau en altitude. Il ne s’agit pas de l’approche classique, avec un barrage qui se remplit à la fonte des neiges et qui se vide ensuite une seule fois, mais bien de ce qui se dénomme par le nom un peu abscons de STEP : station de transfert d’énergie par pompage. Plus explicite : Pompage et turbinage de l’eau. Le principe est de disposer de deux réservoirs d’eau, l’un en amont, l’autre en aval. L’eau contenue dans le réservoir amont se déverse dans le réservoir aval en période de forte demande d’électricité (c’est le turbinage, qui produit de l’électricité), puis est remontée grâce à une opération de pompage dans le réservoir amont lorsqu’il y a excédent d’énergie électrique disponible. Cette opération de pompage consomme de l’électricité.
Simple. Idéal pour gérer des périodes d’excès d’électricité, puis de forte demande. Décarboné. Renouvelable. A déjà fait ses preuves, en France et à l’étranger.
Le fait de remonter l’eau consomme effectivement de l’énergie. Le rendement de l’opération totale : turbinage à la descente, pompage à la montée est de l’ordre de 75% à 80 %. Pas si mal.
En France, la première STEP a été mise en service dans les Vosges en 1934 entre le lac blanc et le lac noir. Plusieurs aménagements ont été réalisés au fil du temps, et cette STEP continue de fonctionner, avec une puissance somme toute assez limitée : 50 MW.
Il existe une petite dizaine de STEP en France, pour une puissance installée d’un peu plus de 5 GW, la plus emblématique se situant en Isère près de Grenoble, entre le barrage de Grand Maison et celui de Verney. Puissance installée : 1,8 GW, soit 2 réacteurs nucléaires. Sur une année, l’eau est recyclée 7 fois. 7 fois plus qu’un barrage classique qui ne se vide, lui, qu’une seule fois.
Il y a de nombreuses réalisations à l’étranger : Chine, Etats Unis, Japon, Italie, Suisse, etc… l’installation a plus importante étant aux Etats Unis, avec une puissance de 3 GW.
Le Luxembourg, avec un point culminant à 560 mètres a réussi à installer une STEP de 1,3 GW à Vianden, sur la base d’une hauteur de chute moyenne de 250 mètres.
La puissance installée totale des STEP au niveau mondial est largement supérieure à 100 GW
Seul défaut des STEP, leur emprise au sol. Leur développement doit donc passer par une étude approfondie de leurs lieux d’installation : soit couplées avec un barrage déjà existant (le lac de barrage existant pouvant être le réservoir aval, le réservoir amont, à construire, pouvant n’avoir une emprise au sol qu’assez réduite), soit installées dans des lieux appropriés lorsqu’il y a une source d’eau. Mais attention, le paradigme a changé : il ne s’agit plus de disposer d’un site en altitude présentant naturellement des qualités de réservoir d’eau. Non. Une source d’eau en basse altitude, comme une rivière ou un lac permet de créer le réservoir aval. Il suffit par la suite que la configuration géographique permette de créer le réservoir amont, et même s’il n’est pas alimenté naturellement en eau, ce n’est pas important puisque l’eau est déjà disponible en aval. Ce qui est important, c’est qu’il y ait une source d’eau à l’un des deux niveaux, et que les deux réservoirs soient séparés d’une différence de niveau, idéalement assez importante.
Certains ont envisagés de créer des STEP au bord de la mer, en remontant de l’eau salée dans un réservoir situé plus haut. C’est tout à fait possible, mais ce n’est pas la meilleure option car stocker de l’eau salée rend le terrain impropre à tout autre usage ultérieurement.
Pourquoi les STEP ne se développent pas plus en France, alors qu’elles sont dotées de nombreuses qualités ? Les rapports au cours des dernières années montrent un potentiel hydroélectrique encore très important en France. La lecture dans le détail fait apparaitre qu’il est très souvent lié aux petites chutes, ou aux installations au fil de l’eau, les grands barrages ayant déjà été réalisés. Par contre le potentiel des STEP est rarement analysé en intégrant la possibilité de source d’eau en aval, et est donc largement sous évalué. Le rapport d’Octobre 2016 du ministère de l’environnement prévoit d’installer entre 1 et 2 GW d’ici 2025 à 2030. Clairement sous estimé. Alors que le Luxembourg, avec son point culminant à 560 mètres a réussi à installer une STEP de 1,3 GW ! La France, avec ses nombreuses chaines de montagnes, ses cours d’eau, ses lacs, sa superficie 200 fois plus importante que celle du Luxembourg n’arriverait à installer sur une période de près de 15 ans qu’entre 1 à 2 GW, soit à peine plus que la STEP de Vianden au Luxembourg ? Peut certainement mieux faire !
Espérons qu’à l’occasion du prochain plan PPE, le potentiel sera revu largement à la hausse, et que les projets de STEP fleuriront, permettant d’augmenter les capacités de stockage de l’énergie électrique avec une technologie éprouvée. Energie renouvelable, non carbonée, sans émissions de particules fines ou gaz divers. Non délocalisable, avec une très forte valeur ajoutée locale, participant à l’indépendance énergétique de la France. Rapidement disponible. Complément idéal des énergies renouvelables intermittentes. Son défaut : l’emprise au sol. Un choix sélectif des sites à aménager permettra de minimiser cette contrainte. Et une retenue d’eau dans le creux d’un vallon sera toujours plus agréable à regarder que des milliers d’hectares couverts de panneaux solaires photovoltaïques.